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Quel est l'état des systèmes de santé en Belgique et en Europe ?

Chaque année, la Commission européenne publie un rapport sur l’état de la santé dans l’UE. Cette analyse vise à rendre les informations, l’expertise et les bonnes pratiques concernant les systèmes de santé facilement accessibles aux responsables politiques et à celles et ceux qui contribuent à l’élaboration des politiques de santé.

C’est l’occasion d’examiner les progrès réalisés en Europe pour mettre en place des systèmes de santé efficaces, accessibles et capables de s’adapter. Où en sommes-nous en Belgique ? Et par rapport à nos voisins européens ? Voici ce qu’il faut retenir du rapport qui vient de paraître pour 2020.
 

Des systèmes de santé sous pression : les 4 principaux défis européens

Le rapport d’accompagnement[1] de l’état de la santé dans l’UE met en évidence 4 défis pour les systèmes de santé en Europe :

  1. L'hésitation face à la vaccination est une menace majeure pour la santé publique dans toute l'Europe. Comment la combattre ? En améliorant les connaissances en matière de santé, en luttant contre la désinformation et en impliquant activement les agents et les agentes de santé. Paradoxalement, les personnes qui bénéficieraient le plus de la vaccination sont aussi celles qui sont les plus sceptiques ou les plus méfiantes. C’est aussi vrai des moyens de prévention en général qui restent donc difficiles d’accès.
  2. Les lacunes dans l'accessibilité des soins de santé sont toujours une réalité dans l'UE. Les besoins cliniques et les caractéristiques socio-économiques des patients et patientes doivent être pris en compte quand on mesure les obstacles.
  3. La digitalisation de la promotion de la santé et de la prévention des maladies laisse des personnes sur le bord de la route. Comme pour la vaccination, il y a ici aussi un paradoxe : les personnes qui bénéficieraient le plus de la santé mobile et d'autres outils numériques sont celles qui n’y ont pas accès facilement.
  4. Les innovations en matière de combinaison de compétences parmi les personnels de santé montrent un grand potentiel pour accroître la résilience des systèmes de santé. On trouve des exemples prometteurs de transfert de tâches parmi les agents de santé dans toute l'UE, en particulier lorsqu'il s'agit de renforcer le rôle du personnel infirmier et du personnel en pharmacie. Toutefois, cette évolution fait face à de nombreuses résistances, qui ne sont pas toutes corporatistes, mais visent à garantir la qualité des soins.[2]

 

Quel niveau de performance pour le système des soins de santé en Belgique ?

Le nouveau rapport 2020 pour l’état de la santé dans l’UE analyse la performance des systèmes de soins de santé autour de 3 critères : efficacité, accessibilité et résilience.

Efficacité

L’espérance de vie des Belges est de 81,7 ans, une donnée légèrement supérieure à celle des 27 pays de l’Union européenne (81 ans). Espagne, Italie et France, qui n’ont pourtant pas la réputation d’avoir un système de santé aux performances exceptionnelles, constatent pourtant des espérances de vie plus longues (respectivement 83,5; 83,4 et 82,9 ans). La Belgique ne se classe qu’en douzième position[3].

En cause, le fait que le taux de mortalité évitable par la prévention est largement en deçà de la moyenne de l’UE, tandis que le taux de mortalité évitable grâce au système de soins est beaucoup plus faible. Cela indique l’importance de renforcer la prévention, ce qui nécessite une collaboration étroite des entités fédérales et fédérées.[4] On soigne mieux que l'on ne prévient les maladies, notamment celles dites “de civilisations”, en Belgique.

Les indicateurs de mortalité évitable peuvent fournir un point de départ général pour évaluer l'efficacité des systèmes de santé publique et de soins de santé pour réduire les décès avant 75 ans dus à diverses maladies et blessures. Cependant, une analyse plus approfondie est nécessaire pour évaluer plus précisément les différentes causes de décès potentiellement évitables et les interventions pour les réduire.

Le rapport rappelle ainsi qu’en 2017, plus d'un million de décès prématurés dans les pays de l'UE auraient pu être évités grâce à de meilleures interventions de prévention et de soins de santé. Cela représente environ les deux tiers des décès de moins de 75 ans. Parmi ces décès, la plupart (64%) ont été jugés évitables grâce à une prévention primaire efficace et à d'autres mesures de santé publique, tandis qu'un peu plus d'un tiers (36%) ont été jugés traitables grâce à des interventions de soins de santé plus efficaces et plus rapides.[5]

Accessibilité

En Europe, la plupart de la population déclare ne pas avoir de besoins de soins non satisfaits pour des raisons financières, géographiques ou de temps d'attente. Cependant, en Estonie et en Grèce, au moins 8 % de la population ont signalé des besoins non satisfaits en matière de soins de santé, la charge pesant principalement sur les personnes issues de ménages à faible revenu, en particulier en Grèce[6].

En Belgique, l’accès aux soins de santé est relativement bon et la couverture des prestations est large, mais des frais restants à la charge de l’usager sont appliqués pour la plupart des prestations. Pour ce qui est des besoins en soins de santé non satisfaits, les disparités sont importantes par niveau de revenus. Alors qu’aucun Belge disposant de revenus confortables n’a déclaré avoir des besoins de soins non satisfaits, 7% des Belges aux revenus les plus faibles ont déclaré que c’était leur cas.[7]

Résilience

L'inquiétude la plus vive est que le vieillissement démographique continuera d’exercer une pression sur le système de santé et les soins de longue durée, au moins pour les trente prochaines années, avant d'atteindre un plateau démographique. Bien que des gains en efficacité aient été obtenus en milieu hospitalier, la promotion d’une utilisation plus pertinente des services et des produits pharmaceutiques pourrait contribuer à libérer des ressources pour répondre à ces besoins croissants. [8]

La plupart des Belges gardent confiance dans le futur du système de soins de santé. S’agit-il d’un excès de confiance ? Comme nous l’avions d'ailleurs observé dans le Baromètre DKV 2017 sur les grands défis des soins de santé : si trois quarts des Belges s’attendent à devoir payer plus cher pour leurs soins de santé, ils sont 7 sur 10 à ne pas envisager de devoir se couvrir davantage. Les nouveaux chiffres 2020 du rapport sur l’état de la santé dans l’UE invitent plutôt à la prévoyance.

Les maladies chroniques, un poids toujours plus grand

Un autre défi est le renforcement des soins primaires et l’amélioration de la coordination des soins, en particulier pour les personnes atteintes de maladies chroniques. Sur la base de la dernière vague de l'enquête sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe (SHARE) : environ 37% des personnes âgées de 65 ans et plus ont déclaré avoir au moins deux maladies chroniques en moyenne dans les pays de l'UE. Les femmes déclarent plus souvent que les hommes plusieurs maladies chroniques (41% contre 32% en moyenne). Comme prévu, la prévalence des maladies chroniques augmente avec l'âge.[9]

Trois Belges de 65 ans et plus sur cinq (60%) déclarent souffrir d’au moins une maladie chronique, cela ne les empêchant pas nécessairement de vivre une vie normale. La plupart des personnes âgées sont en mesure de continuer à vivre de manière autonome, mais une sur cinq (21%) déclare souffrir d’une incapacité grave limitant la réalisation d’activités élémentaires de la vie quotidienne, telles que s’habiller et se laver, ce qui peut nécessiter des soins de longue durée, une proportion légèrement plus importante que la moyenne de l’UE[10].

 

L’impact des facteurs de risque et des déterminants de santé

Tabac

En 2018, seule une personne adulte sur sept en Belgique fumait du tabac tous les jours, soit une diminution par rapport à 2008 où c’était le cas d’un adulte sur cinq. Cette proportion, qui fait de la Belgique le 4e pays “vertueux” en la matière au sein de l’Union, est inférieure à la moyenne de l’UE.

Alcool

Par contre, près de trois adultes sur dix ont fait état d’épisodes de consommation d’alcool excessive, soit une proportion supérieure à la moyenne des pays d’Europe occidentale. En cause, une culture de l'alcool très permissive (nombre de points d'achats et heures d'ouverture). Or, les dommages liés à l'alcool sont un problème de santé publique majeur dans l'Union européenne. La consommation d'alcool y est responsable de quelque 255.000 à 290.000 décès chaque année (OMS, 2019; IHME, 2019).

Une consommation élevée d'alcool est associée à un risque accru de maladies cardiaques et d'accidents vasculaires cérébraux, de cirrhose du foie, de certains cancers et de troubles liés à l'alcool foetal, mais même une consommation modérée d'alcool augmente le risque à long terme de développer de telles maladies. L'alcool contribue également à la morbidité et à la mortalité par les accidents et les blessures, la violence, les homicides et les suicides.[11]

Obésité

Par ailleurs, un adulte sur six était obèse en 2018, contre un adulte sur huit en 2001. Au cours des deux dernières décennies, la prévalence de l'obésité a augmenté dans l'UE. Parmi les 18 pays de l'UE pour lesquels des données autodéclarées sont disponibles depuis environ 2000, le taux moyen d'obésité est passé de 11% en 2000 à 17% en 2018. La Finlande et la Lettonie ont connu des augmentations particulièrement importantes.

La pandémie de COVID-19 pourrait contribuer à de nouvelles augmentations. Une enquête belge menée en avril 2020 a révélé que 25% des personnes interrogées avaient pris du poids pendant le premier confinement (Sciensano, 2020), bien que cela puisse n'être qu'un effet temporaire.[12]

L’espoir de voir cette situation évoluer plus positivement n’est pas vain, car de nombreuses initiatives se mettent en place et une prise de conscience certaine de cette problématique émerge. Interrogé par DKV, un Belge sur trois en 2020 se dit prêt à améliorer son alimentation. Ils sont à peine moins (28%) à entamer la pratique du sport pour équilibrer prise d’aliments et dépenses caloriques. 17% des citoyens veulent veiller à leur bien-être afin de réduire leurs facteurs de risque.

 

Quid du budget et du reste-à-charge (out of pocket) des ménages ?

En 2017, la Belgique a consacré 10,3 % de son PIB à la santé, une proportion supérieure à la moyenne de l’UE de 9,8 %. Les dépenses de santé par habitant atteignaient 3 554 EUR, soit 20 % de plus que dans l’UE dans son ensemble (2 884 EUR), mais moins que dans les pays voisins, comme la France, les Pays-Bas ou l’Allemagne.

Les sources de financement publiques (dont la couverture d’assurance maladie obligatoire) représentent 77 % de l’ensemble des dépenses de santé, soit une proportion proche de la moyenne de l’UE (79 %). Les paiements directs des patients représentaient 18 % de l’ensemble des dépenses de santé, et l’assurance maladie complémentaire les 5 % restants. Les dépenses restantes correspondent à l’assurance maladie complémentaire et aux dépenses directes des ménages. Cependant, ces quatre dernières années, la norme de croissance a diminué, augmentant le reste-à-charge (out of pocket) des ménages. Ce qui provoque une diminution des soins, notamment préventifs.[14]

 

La crise du COVID-19 : des fragilités révélées

Pour les analystes de la Commission européenne : le COVID-19 a révélé des fragilités latentes du système de santé qui existaient avant l'épidémie. On dit souvent que les dépenses de santé sont un investissement plutôt qu'un coût, mais les approches politiques n'avaient pas beaucoup changé avant la crise. Les dépenses de santé sont majoritairement consacrées aux soins curatifs et non à la prévention.

Le rapport sur l’état de la santé dans l’UE montre que l'impact stupéfiant du COVID-19 sur notre société et notre économie a brusquement ramené la santé publique au premier rang des priorités politiques. La pandémie a mis en évidence la nécessité de considérer la résilience des systèmes de santé comme une dimension tout aussi importante de la performance du système de santé aux côtés de l'accessibilité, de la qualité des soins et de l'efficacité.

Selon cette analyse, lors de la première vague de la pandémie, le virus a particulièrement touché un certain nombre de pays d'Europe occidentale, notamment la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas, l'Espagne et le Royaume-Uni, ainsi que la Suède. Cependant, depuis août 2020, le virus a également commencé à se propager plus largement à travers l'Europe.

Quelques pays européens ont réussi à minimiser les impacts sanitaires et économiques du COVID-19. De nombreux pays ont lutté pendant les premiers mois de la crise pour augmenter la disponibilité des masques et autres équipements de protection individuelle. La plupart des pays ont également eu du mal à accroître leur capacité de test, ce qui a limité l'efficacité des efforts de test, de suivi et de traçage. Cela leur laissait peu d'options pour contenir la propagation du virus lors de la première vague, ce qui nécessitait des mesures de confinement plus strictes.

En Europe, jusqu'en octobre 2020, quelques pays comme la Finlande, la Norvège et l'Estonie ont été mieux à même de contenir la propagation du virus et d'atténuer les conséquences économiques, en partie en raison de facteurs géographiques (faible densité de population), mais aussi en raison de la mise en œuvre en temps voulu de mesures de confinement ciblées et d'une forte confiance et respect des populations.

Enfin, le rapport confirme que le virus a frappé de manière disproportionnée les personnes âgées et celles souffrant de problèmes de santé sous-jacents. Dans presque tous les pays, au moins 90% des décès dus au COVID-19 concernaient des personnes âgées de 60 ans et plus. On parle à ce titre de “gradient social” clair. Les pauvres, les personnes vivant dans des zones défavorisées et les minorités ethniques ont également été touchés de manière disproportionnée.

Cela souligne la nécessité de se concentrer fortement sur les politiques visant à s'attaquer aux déterminants sociaux de la santé, y compris des politiques sociales et économiques inclusives et des interventions au-delà du système de santé qui s'attaquent aux causes profondes des inégalités.[15]

 

Envie d'approfondir le sujet ? Les résultats complets du rapport et les profils de santé par pays sont disponibles sur le site de la Commission européenne.

 

[3] OECD/European Union (2020), Health at a Glance: Europe 2020: State of Health in the EU Cycle, OECD Publishing, Paris, p.113

[4]OCDE/European Observatory on Health Systems and Policies (2019), Belgique: Profils de santé par pays 2019, State of Health in the EU, OECD Publishing, Paris/European Observatory on Health Systems and Policies, Brussels, p.3

[5* OECD/European Union (2020), Health at a Glance: Europe 2020: State of Health in the EU Cycle, op.cit, p.175

[6] OECD/European Union (2020), Health at a Glance: Europe 2020: State of Health in the EU Cycle, op.cit, p.204

[7] OCDE/European Observatory on Health Systems and Policies (2019), Belgique: Profils de santé par pays 2019, State of Health in the EU, OECD Publishing, Paris/European Observatory on Health Systems and Policies, Brussels, p.3

[8] OCDE/European Observatory on Health Systems and Policies (2019), Belgique: Profils de santé par pays 2019, State of Health in the EU, OECD Publishing, Paris/European Observatory on Health Systems and Policies, Brussels, p.3

[9] OECD/European Union (2020), Health at a Glance: Europe 2020: State of Health in the EU Cycle, op.cit, p.132.

[10] OCDE/European Observatory on Health Systems and Policies (2019), Belgique: Profils de santé par pays 2019, State of Health in the EU, OECD Publishing, Paris/European Observatory on Health Systems and Policies, Brussels, p.6

[11] OECD/European Union (2020), Health at a Glance: Europe 2020: State of Health in the EU Cycle, op.cit, p.144.

[12] OECD/European Union (2020), Health at a Glance: Europe 2020: State of Health in the EU Cycle, op.cit, p.154

[14] OCDE/European Observatory on Health Systems and Policies (2019), Belgique: Profils de santé par pays 2019, State of Health in the EU, OECD Publishing, Paris/European Observatory on Health Systems and Policies, Brussels, p.10

[15] OECD/European Union (2020), Health at a Glance: Europe 2020: State of Health in the EU Cycle, op.cit, Executive summary, pp.1-2.